Colloque sur les métiers du FLE

Ce colloque, organisé par l'Association des attachés linguistiques et l'ANEFLE, s'est déroulé le 29 janvier 1998 dans l'enceinte du salon Expolangue. Ci-dessous suivent les compte rendus des quatre tables rondes :.

1. Compte-rendu de la première table ronde

2. Compte-rendu de la seconde table ronde

3. Compte-rendu de la troisième table ronde

Les Acteurs

Table ronde animée par Françoise Ploquin, Rédactrice en chef adjointe du français dans le monde.

Participants: Jean-Paul Basaille, ANEFLE, Michel Carrière, Fédération FEP-CFDT, Annie Edelman, ANEFLE, Alain Schneider, Association des Attachés Linguistiques,.

Cette troisième table ronde a été consacrée aux acteurs du FLE. Ceux qui, enseignants et administratifs, débutants et confirmés, en France et à l’étranger, au contact de la classe et de l’apprenant, oeuvrent en français langue étrangère.

Pour tenter de cerner à la fois ce que les acteurs disent des compétences requises, ou à acquérir, pour idéalement exercer leur métier et comment ils vivent leur situation professionnelle - stabilité, fragilité, précarité -, la table ronde a été construite et développée sur l’observation et l’analyse de onze témoignages vidéoscopés.

Il a été choisi d’entendre une collection de cas particuliers pour, au risque calculé d’une atomisation du thème comme d’une représentativité partielle, favoriser une approche plus concrète de la réalité matérialisée par des cas d’espèce.

Chaque témoignage, court et allant à l’essentiel, est construit sur des perspectives relevant du quoi, du comment, du pourquoi et suit un même fil conducteur : quelle situation, quel parcours, quel regard sur le métier.

Ces onze témoignages se répartissent en huit enseignants, deux responsables de centre de ressources en France et un responsable de structures d’accueil en France également.

Pour les enseignants, quatre exercent à l’étranger - Hong Kong, Pékin et Sana’a - et quatre sont en France. A Hong Kong, l’une est en contrat local dans une école privée et l’autre est chef de département d’une prestigieuse université, l’enseignante en poste à Pékin est assistante en contrat local à l’université et la dernière, à Sana’a, est recrutée en contrat local par le Ministère des Affaires Etrangères.

Les quatre autres parlent depuis la France. L’un a repris ses études au niveau de la licence après deux expériences au Cambodge et en Corée ; une autre, après une année en Roumanie et une autre à Hong Kong, est inscrite en DEA et enseigne en été dans un centre de FLE en France ; le troisième est Maître de Conférences après un long parcours à l’étranger ; le dernier, après également un long parcours en France et à l’étranger, est en formation de DESS avant de repartir.

De ces onze personnes, six femmes et cinq hommes, quatre à l'étranger et sept en France, une seule est titulaire de l’Education Nationale. Les autres, enseignants, sont soit en contrat local, soit en poursuite d’études, soit à la recherche d’emploi. Les personnes de statut administratif sont sur contrat d’université.

Cette majorité de personnes non titulaires, certaines mais pas toutes en début de carrière, qui résulte d’un choix déterminé de donner la parole à ceux et à celles qui n'ont pas encore acquis leur stabilité, qui n'ont pas encore établi leur "durabilité", témoigne d’espoirs affirmés d’un épanouissement possible, mais aussi d’attentes très fortes de pouvoir faire partie du dispositif général de la politique de diffusion du français langue étrangère.

Cette mosaïque compose en effet un ensemble plutôt enthousiaste quoique aussi parfois inquiet. Mais surtout, il ressort de chacun la certitude de la nécessité de la maîtrise de compétences professionnelles, la conscience de l’importance d’un certain nombre de valeurs et la volonté de s’inscrire durablement dans la profession.

Les traits dominants qui apparaissent régulièrement dans les témoignages et qui tendent à établir une sorte de profil psychologique de ceux qui « entrent » en FLE comme de ceux qui y oeuvrent depuis longtemps sont une certaine habileté et une certaine vigilance à se repérer dans le marché des langues - le terme de débrouillardise serait plus éclairant -, la mobilité, l’évolution dans le parcours professionnel comme dans l’acquisition de compétences professionnelles.

La découverte de la réalité du FLE, les étapes du parcours professionnel, les formes du métier sont ainsi très variées.

En reprenant les différents témoignages et en les nommant comme le fait le document vidéoscopé, il y a d’abord ceux que le hasard ou les circonstances ont en quelque sorte préalablement guidés.

Delphine : « … je me suis approchée du FLE un peu par hasard et mon parcours de formation est un peu particulier puisque avant d'entreprendre mes études en FLE, j'ai d'abord eu une expérience de l'enseignement de la langue et de la culture françaises (…) mes études en LEA achevées, j'ai collaboré en tant qu'assistante de français à une équipe d'enseignants dans un établissement secondaire en Angleterre et de suite j'ai voulu réinvestir et mettre à profit ces acquis. Donc de retour en France, je me suis intéressée aux annonces qui recrutaient des enseignants de français à l'étranger. Donc, mon attrait des pays asiatiques m'a conduite à Hong Kong il y a deux ans, endroit où je réside toujours, et j'ai, là-bas, j'ai occupé les fonctions de professeur à temps plein au sein d'un institut d'enseignement de la langue française. ».

Rémi : « … tout a commencé par une formation que j'ai suivie et qui a débouché sur le diplôme de professeur de FLE. J'ai accédé à cette formation un petit peu par hasard par une rencontre effectuée dans la rue. Mais j'ai toujours été de toute façon attiré par les métiers qui touchent à l'international. Donc ensuite (…) j'ai eu l'occasion et la chance de partir au Cambodge dans le cadre de l'AUPEL-UREF en tant qu'enseignant de FOS. Ensuite (…) j'ai éprouvé le besoin de changer de pays parce que je voulais changer. Je suis revenu en France (…) j'ai rempli 120 CV (…) reçu 4 réponses positives, mais qui ne me satisfaisaient pas tellement au niveau des conditions de travail, etc., et en fait je suis parti en Corée mais grâce à des relations familiales, donc ça n'avait rien à voir avec les démarches que j'avais effectuées auparavant. Je suis parti en Corée et donc là j'ai enseigné le français à des militaires coréens, expérience très intéressante également et suite à cette expérience-là, je suis revenu en France. ».

Jacqueline participe du même type de découverte du FLE, mais témoigne aussi en même temps d’une réorientation radicale : « [En Italie, lors d’un stage de licence de LEA] j’ai découvert le FLE et ça m’a passionnée. En rentrant (…) j’ai fait la licence de FLE, la maîtrise de FLE, je suis partie en Roumanie, à Bucarest, pour le stage de maîtrise dans un lycée où je donnais des cours de français, j’animais un atelier théâtre pour les élèves et je faisais un peu de formation également. Après la Roumanie, j’ai terminé ma maîtrise, j’ai fait un peu de vacations au Centre de Linguistique Appliquée de Besançon, c’était un stage intensif d’été. Voilà. J’ai commencé une recherche d’emploi qui s’est avérée vaine. Je trouvais pas d’annonce déjà concernant le FLE et j’envoyais des lettres de candidature spontanée mais je n’ai rien trouvé sauf une vacation pour l’Education Nationale dans un collège où j’ai pris en charge des primo-arrivants bosniaques, des enfants. Voilà. Je voulais partir à l’étranger, j’ai trouvé trois annonces au CLA, une pour la Hongrie, la Tchécoslovaquie, Hong Kong (…) des annonces pour des contrats locaux.(…) Hong Kong m’a rappelée, donc je suis partie très très vite sous contrat local. Alors ça a été difficile parce que je ne savais pas où j’allais tomber, le contrat n’était pas très clair, j’ai pris en charge mon voyage, le logement, les vacances n’étaient pas payées, j’étais payée à l’heure, j’avais un emploi du temps très chargé et beaucoup de travail parce que j’avais un public et des demandes très diversifiées. »

Différent est le cas de Mila qui a d’abord suivi un cursus assez ouvert puis s’est intéressée au FLE : « Alors, j'ai une maîtrise donc de LEA anglais - portugais, j'ai une maîtrise de littérature, un diplôme de traduction français - portugais et j'ai fait un stage d'été de formation de professeur de FLE et c'est au cours de ce stage que le directeur du centre m'a proposé de venir travailler à Sana'a en tant que recrutée locale pour enseigner à l'université. Alors, j'enseigne à l'université donc de Sana'a au département de Lettres à des étudiants qui font une licence de français dans le but d'être enseignants ensuite et j'enseigne dans de très bonnes conditions matérielles avec une équipe composée de professeurs de différents pays, il y a des Syriens, des Tunisiens, des Somaliens, des Yéménites et nous sommes deux français, et donc une équipe très motivée, très soudée avec des étudiants qui sont également très très motivés. »

Sylvie et Habiba sont venues au FLE par des voies différentes.

Sylvie : « Je suis bibliothécaire à la médiathèque du CLA on accueille principalement des enseignants et des étudiants de FLE et de Langue Vivante Etrangère. Je m'occupe principalement des achats et des abonnements. A l’issue de ma maîtrise FLE, je n'ai pas souhaité partir à l'étranger car n’étant pas titulaire je craignais le retour en France. Donc, j’ai choisi une formation de bibliothécaire. (…) j’ai travaillé plusieurs années en bibliothèque. J’ai fait valoir ma double formation bibliothèque et FLE pour travailler à la médiathèque du CLA. Je suis très satisfaite de ma vie professionnelle, d’une part parce que l'introduction des nouvelles technologies dans les pratiques documentaires rend ce travail plus dynamique, et ça m’intéresse, d’autre part parce que je participe également à des sessions de formation en tant que formatrice, ça m’intéresse également. »

Habiba : « Je suis chargée de mettre en place l'informatisation de la médiathèque et du suivi de la gestion du fichier. A partir de ma maîtrise en Histoire Ancienne, j’ai voulu passer le CAPES d'Histoire mais je n’ai pas pu pour une question de nationalité. Je me suis réorientée vers un DESS de bibliographie informatisée. (…) j’ai travaillé au CLA où j’ai découvert le domaine du FLE. L'informatisation suit son cours et si c'était seulement cela, ce serait répétitif et ennuyeux.

Donc, je me suis réorientée vers la Formation de Formateurs dans le cadre de la formation et ingénierie en centre de ressources. »

Il y a aussi ceux pour qui le FLE est l’aboutissement d’un projet inscrit dans un processus, parfois construit très tôt.

Laurence : « Alors, en France, j'ai d'abord fait une licence de chinois et par la suite j'ai fait le module de FLE, puis la maîtrise de FLE. Alors, d'abord, je suis allée à l'Ambassade de Chine à Paris, rue de la Glacière, où on m'a communiqué les adresses des universités où le français est enseigné en Chine. Ensuite, j'ai écrit et un jour on m'a répondu positivement, on m'a invitée à venir enseigner le français dans un institut à Pékin. »

Jean-Charles : « Je suis rentré en FLE en 1967, j'avais eu un parcours un petit peu chaotique à l'université auparavant. J'ai découvert cette formation, elle venait d'être créée, il s'agissait d'une licence de français appliqué à l'enseignement à l'étranger donc qui était la première formation en FLE existant en France à l'époque. C'était une formation complète de 3 ans et, au bout de la 2° année, on nous offrait la possibilité d'enseigner au Centre de Linguistique Appliquée de Besançon. Ça faisait une sorte d'internat par rapport aux cours, au travail qu'on faisait en 1°, 2°, 3° année de la licence. Arrivé en 1970, c'était le moment où je devais partir au service militaire, j'étais naturellement coopérant et je me suis retrouvé en Tanzanie, au pied du Kilimanjaro dans un établissement secondaire où pendant 2 ans, ben, j'ai fait cours à des enfants du secondaire. Au bout de ces 2 ans, l'Attaché Culturel, c'était un Attaché Culturel en Tanzanie, m'a proposé de devenir Conseiller Pédagogique parce que le poste venait de se créer. J'étais pas titulaire, mais j'ai accepté, bien sûr, tout content d'avoir ce poste. Finalement, je suis resté 4 ans de plus en Tanzanie, donc j'ai fait 6 ans au total, où successivement j'ai occupé les postes de Conseiller Pédagogique puis de lecteur au département de français, enfin de linguistique. En 1976, je suis rentré, et j'avais passé ma maîtrise entre temps, et je me suis inscrit tout de suite en DEA à la Sorbonne et pendant 3 ans, eh bien, j'ai vécu, en même temps que je faisais mon DEA et le début de ma thèse, j'ai vécu de vacations diverses. Et puis, en 79, est paru dans le Monde une annonce qui offrait un poste en Jamaique à l'université de West-Inglies (?) et je me suis dit pourquoi pas et donc j'ai été recruté par cette université où je suis resté pendant 7 ans, au début recruté localement et puis j'ai pu bénéficier d'un poste qui venait de se créer dans cette université. En 1986, là, j'ai bénéficié de la loi Le Pors et j'ai été titularisé adjoint d'enseignement, j'ai fait 15 jours dans un collège et puis j'ai tout de suite été détaché dans l'enseignement supérieur à Paris XIII où pendant 3 ans j'ai enseigné la mention FLE (…). On m'a proposé (…) de repartir en Australie comme Attaché Linguistique et j'ai pris le poste immédiatement. Etant en Australie, j'ai profité, j'avais gardé un oeil sur le BO, quand un poste de Maître de Conférences s'est présenté, eh bien, j'ai candidaté et je me suis retrouvé à Saint-Etienne, puis après à Lyon. »

Hubert : « Après des études scientifiques, je suis rentré dans l’Education Nationale comme instituteur et en parallèle j’ai commencé des études de linguistique et j’ai donc passé une licence de linguistique, option FLE. Puis, j’ai commencé la maîtrise FLE par les stages (…) au Français dans le Monde et puis à l'Alliance Française de Paris [où j’ai observé] des classes de FLE [et où] j’ai travaillé comme vacataire pendant trois années. A ce moment-là, en été 91, j’ai eu l’occasion de partir au Cambodge et, là-bas, j’ai enseigné 2 ans à la faculté de médecine de Phnom Pehn puis 1 an au département de Français de l'université de Phnom Pehn pour former des professeurs cambodgiens de FLE. Après ces trois années un peu difficile, s’est présentée une nouvelle occasion d’intégrer le projet de reconstruction et de rénovation pédagogique de l'ITC du Cambodge. Je suis donc rentré dans le département de Français de cet institut pour former des professeurs cambodgiens (…), d’encadrer des étudiants de première année [en FOS], pour concevoir des méthodes de FLE adaptées à la situation cambodgienne. »

Pour Michel, c’est une histoire très ancienne : « Alors, mon parcours est le suivant, j’ai enseigné les Sciences Naturelles, j’avais passé un concours des IPES (…) et lors de mes loisirs j’ai été amené à encadrer de sorties touristiques de professeurs algériens en formation de langue. Et j’ai donc pris goût au contact avec les cultures étrangères et aux métiers de l'animation. j’ai assuré de plus en plus de vacations, d’animations et un jour j’ai eu l’opportunité d'un poste qui se libérait dans un centre de langue et je suis devenu animateur culturel pour environ 10 ans. Pendant ces 10 ans, j’étais très sensibilisé aux problèmes d'accueil, d'insertion, de compréhension des étudiants étrangers et j’ai progressivement fait évoluer ce métier vers un métier lié à l'accueil. Je suis devenu donc coordinateur des métiers d'accueil dans un centre de langue. J’interviens pour compléter la formation linguistique. C’est-à-dire que je réalise le montage du tout compris : grosso modo, j’interviens depuis l'acheminement de l'aéroport que je suis, voire organise éventuellement, je règle les problèmes de logement, de bourse, de compte bancaire, je suis les difficultés de carte de séjour, médicaux, d'assurance, de repas, d'activités culturelles, de budget loisirs. (…) Ce sont des missions et des tâches très précises très liées à une activité touristique. Par ailleurs, je suis amené à négocier avec les universités ou les institutions partenaires le contenu de ces services. Donc, dans ce métier, à travers ces tâches, j’ai une action à caractère très commercial. »

L’entrée comme enseignant dans le métier se fait majoritairement au niveau de la maîtrise de FLE. C’est habituellement actuellement le niveau minimum requis. C’est là que s’est jouée la situation de Sylvie, que Laurence s’est réorientée comme Jacqueline avant de partir à l’étranger, que Hubert a débuté sur le terrain par les stages.

D’autres voies sont possibles. Mila a ajouté un stage court de formation de professeur de FLE à une formation très ouverte de niveau maîtrise ; Delphine a rencontré le FLE par LEA, ce qui arrive souvent, les tâches des assistants dans les lycées étrangers étant de demander à des non spécialistes de FLE de participer aux activités de français ; Rémi, lui, a débuté après une formation longue de professeur de FLE dans un centre de langues.

D’ailleurs, ces deux derniers témoignages reconnaissent la nécessité d’une formation universitaire plus élevée. Ainsi déclarent-ils :

Delphine : « J'ai appris sur le tas (…) Mais je me suis rendue compte rapidement que, eh bien, qu'enseigner le français à des étrangers n'était pas si simple et que ça demandait des connaissances, certaines connaissance, et des techniques que je n'avais pas. »

Rémi, parti avec un simple diplôme universitaire en poche : « … actuellement je prépare une licence avec la fac de Rouen qui m'a accordé une équivalence (…) dans le but d'être mieux reconnu à l'avenir et peut-être de trouver un petit peu plus facilement un travail … »

La formation universitaire se double d’une formation par l’expérience et qui apporte beaucoup d’enrichissement personnel et professionnel, mais qui aussi requiert une attitude d’ouverture culturelle, des qualités d’écoute, d’attention et de patience, de la disponibilité.

Jacqueline qui s’est réorientée de LEA en FLE tire un bilan très positif de ce que l’expérience lui a apporté : « Alors je ne regrette absolument pas parce que c’était très enrichissant, j’ai appris beaucoup professionnellement, j’ai travaillé avec des enfants ce que je n’avais jamais fait (…) avec des adultes (…) j’ai fait du français professionnel que je n’avais jamais fait non plus et le fait de vivre à l’étranger et d’enseigner à l’étranger m’a apporté beaucoup. »

Laurence, qui a délibérément choisi la Chine après sa licence de chinois et sa maîtrise de FLE, reconnaît la valeur formatrice de l’expérience : « Bon, je dirais pour enseigner le FLE en général, il faut être patient, disponible. A l'étranger, je pense qu'il faut être, en plus, attentif aux étudiants, aux différences de culture par exemple, aux attentes des étudiants aussi, pourquoi est-ce qu'ils apprennent le français, dans quel but. Je pense aussi qu'il faut avoir une certaine pédagogie qu'on apprend, pour moi en l'occurrence à l'université, mais aussi, et je crois que c'est vraiment très important, par la pratique. Parce qu'il me semble clair, voire même très clair, que entre aujourd'hui et le moment où j'ai commencé à enseigner, c'est pas du tout du tout la même chose. »

Mila, enfin : « … avant tout avoir une formation solide et continuer à se former à travers des revues, à travers des stages, même si on est dans un pays un peu isolé comme le Yémen ici. Et les qualités, être ouvert ,avant tout être heureux d'être là, avoir envie d'apprendre, avoir envie d'apprendre aux autres et être enthousiaste et s'adapter à la culture. »

Complémentairement au niveau académique et au professionnalisme acquis par l’expérience, Jean-Charles qui l’a pratiquée dans les années 70 et Hubert en 98 attirent l’attention sur une certaine forme d’alternance de formation et d’action à l’étranger s’enrichissant mutuellement.

Hubert l’explique ainsi : « Ces 6 ans de Cambodge ont provoqués une grosse envie de reprendre mon parcours universitaire dans la mesure où j’ai senti un décalage entre les diplômes que j’avais, une maîtrise commencée, et tout ce que j’avais pu faire comme activités. j’ai donc terminé cette maîtrise de FLE durant l’été 96 au Centre de Linguistique de Besançon et puis à ce moment-là s’est présentée l’occasion de la création du DESS Acteur international dans le domaine des langues, toujours à Besançon, que je suis en train d‘effectuer cette année. Ces 14 années de FLE m’ont d’abord apporté l’idée que travailler à l'étranger, c'est un métier. Et que ce qu’on attend de nous à l’étranger, c’est d’être des professionnels et que ça commence sans doute par être bien dans sa peau. La deuxième chose, c’est que être professionnel, ça se construit et pour moi, ça signifiait faire de constants aller-retour entre des champs d'expériences nouveaux qui m’ont été fournis par le hasard et le savoir universitaire et la formation universitaire. »

Les situations d’exercice à l’étranger sont très fluctuantes et fonction des pays, des conditions particulières à chaque institution locale. De façon générale, les situations professionnelles et matérielles à l’étranger sont bien vécues, mêmes si elles ont parfois été éprouvantes et demandé de grands investissements.

On pourra retenir les déclarations de Laurence pour qui la situation professionnelle et matérielle est satisfaisante et qui ne considère pas la faiblesse du salaire comme un problème pour vivre en Chine mais au regard des contributions pour la retraite en France : « Je dirais que, en tant que recrutée locale, j'ai la chance d'être à Pékin, donc de pouvoir accéder aux informations qui se trouvent au Service Culturel et, entre autres, au BCLE où il y a quand même beaucoup beaucoup d'informations, beaucoup de manuels. Par ailleurs, ici à l'université, il y a quand même une bibliothèque où on a aussi accès à pas mal de manuels. Donc, je dirais que pour tout ce qui est outils de travail, on trouve facilement de quoi faire sur place. Mais parce que je suis à Pékin. Par rapport au logement, ça se passe très bien. Le logement est tout à fait correct, tout à fait bien. Par rapport au salaire, c'est un salaire local, donc c'est un salaire, je dirais, suffisant pour vivre en Chine, mais uniquement pour vivre en Chine, ce qui veut donc dire que c'est un situation donc de contrat local qui n'est pas, à mon avis, envisageable à long terme. Si j'étais amenée effectivement à rester en Chine tout le temps, ce serait, je pense, envisageable. Mais, a priori, je pense pas rester toujours en Chine, je pense éventuellement rentrer un jour en France et parce que je pense rentrer un jour en France, ça me paraît difficile. parce qu'il y a des contraintes, entre guillemets, retraite, sécurité sociale, que en étant en Chine je peux pas me permettre de payer ou de cotiser, en fait. »

De cet ensemble de témoignages aux parcours divers, aux formations universitaires et par l’expérience multiples, un certain nombre de traits caractéristiques se dégagent régulièrement qui permettent de tenter d’établir un profil général de l’acteur du FLE.

Il - et elle, évidemment - a le goût de l'aventure. Il aime partir pour des pays lointains. Il apprécie de changer de pays pour développer son expérience.

Il a le goût pour la découverte culturelle et pour entrer en contact avec une autre culture. Il est ouvert et à l'écoute des autres.

Il sait aussi que les conditions matérielles demandent souvent des efforts d’adaptation et qu’il lui faut développer une attitude positive et réaliste vis à vis de la situation, des moyens de travail et d'existence d'un contrat local.

Il est conscient des spécificités de l'enseignement du FLE à l'étranger et il est adaptable à des contextes d'enseignement différents par le statut, les conditions de travail et la nature des tâches à accomplir : être ouvert et adaptable à des situations pédagogiques diverses, faire face à la diversité des publics et de ses demandes, savoir s’adapter à l’esprit d’institutions différentes, être prêt à s’impliquer dans des actions nouvelles, etc.

La diversité des tâches qu’il est amené à assumer le place sous le signe de la complexité, de la mobilité, de la polyvalence et de l’évolution des compétences : formateur, formation de formateurs, élaboration de matériel pédagogique, encadrement, responsabilité pédagogique, etc.

Réussir en FLE à l’étranger implique une démarche personnelle et constructive. Denis, exemple particulier et accompli puisqu’il est chef de département d’une université étrangère, juge son parcours : « Alors ce que je fais à Hong Kong. Eh bien, je m'occupe actuellement depuis un certain nombre d'années d'un département d'études françaises à l'université de Hong Kong. C'est un département qui compte environ 400 étudiants qui étudient le français non pas comme une spécialité, mais comme ce qu'on appelle ici un minor et j'ai environ une dizaine de collègues qui travaillent avec moi. Pour être, pour occuper une position comme celle que j'ai actuellement, c'est pas quelque chose qui est préparé à l'avance, c'est pas comme si on répond à une annonce et puis qu'on devient chef de département, etc. Dans mon cas personnel en tout cas, j'ai dû enquelque sorte créer cette position qui n'existait pas. »

Partir à l’étranger se conjugue avec revenir en France. Un jour ou l’autre, à de rares exceptions près. Si cela n’est pas la préoccupation de la plupart des témoignages, c’est celle de Jacqueline qui comme Jean-Charles tend à montrer qu’en France il n’existe aucune stabilité ou assurance de pérennité en dehors de l’Education Nationale.

Que feront-ils dans l’avenir, comment parviendront-ils à faire du FLE la réalité quotidienne de leur profession ?

Jacqueline a écrit en vain, cherché du côté associatif et n’est embauchée que pour compléter les équipes d’été d’un centre de langues. Quant aux cours particuliers qu’il lui arrive de dispenser, cela n’a évidemment jamais représenté une situation stable: « Après la Roumanie, j’ai terminé ma maîtrise, j’ai fait un peu de vacations au Centre de Linguistique Appliquée de Besançon, c’était un stage intensif d’été. Voilà. J’ai commencé une recherche d’emploi qui s’est avérée vaine. Je trouvais pas d’annonce déjà concernant le FLE et j’envoyais des lettres de candidature spontanée mais je n’ai rien trouvé sauf une vacation pour l’Education Nationale dans un collège où j’